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Historique de l’opération MISMA

Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine

La Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), dont le nom dans les documents préparatoires a un temps été la Mission de la CEDEAO au Mali (MICEMA), était une mission de l’UA, initialement menée par la CEDEAO, autorisée le 20 décembre 2012 par la résolution 2085 du Conseil de sécurité de l’ONU en vertu du Chapitre VII, qui visait à mettre fin à la crise politique et sécuritaire découlant du coup d’État du 22 mars 2012. Cette mission avait pour mandat dans un premier temps de reconstituer la capacité de l’armée malienne, en étroite coordination avec les autres partenaires internationaux, en prévision de la reconquête du Nord-Mali, tombé aux mains de groupes armés après le coup d’État du 22 mars. Dans un deuxième temps, la mission devra aider les autorités maliennes à reprendre le contrôle du Nord et à réduire la menace posée par les organisations terroristes qui s’y trouvent. La MISMA devait également aider à la sécurisation des institutions maliennes de transition en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel. Elle s’est terminée le 1er juillet 2013 avec la mise en place de la Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).

Contexte

Le Mali, longtemps considéré comme l’un des pays les plus stables d’Afrique de l’Ouest, est secoué, le 22 mars 2012, par un coup d’État qui trouve ses racines dans la mauvaise gestion par les autorités maliennes de la crise touarègue dans le nord du pays. Si les touaregs se sont déjà soulevés au cours des dernières années dans cette région où les frontières poreuses favorisent les trafics en tout genre, c’est bien l’afflux d’hommes et d’armes suite à la chute du régime libyen de Mouammar Kadhafi en 2011 qui donne une autre dimension au poids militaire de la rébellion. Les touaregs s’allient en créant le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et déclenchent en janvier 2012 une offensive avec pour objectif l’indépendance de l’Anzwad, la partie nord du Mali. Dans le sillage du MNLA, quelques groupes islamistes tels qu’AQMI et Ansar Dine participent également à l’offensive.

Rapidement, plusieurs localités du nord, et les postes militaires censés les protéger tombent aux mains de ces groupes. Les soldats maliens réclament plus de moyens afin de contenir cette offensive menée par des forces mieux équipées. La grogne s’intensifie dans le rang au fil des revers face à l’inaction des autorités maliennes. Le 24 janvier 2012, 95 militaires maliens sont désarmés et sommairement exécutés d’une balle dans la tête à Aguelhok. Le 31 janvier, le chef d’état-major général des armées, le général Gabriel Poudiougou et les responsables politiques de la région sont rappelés à Bamako pour faire rapport aux autorités politiques, mais sur le terrain, les tensions montent toujours. Au cours du mois de février, les troupes maliennes continuent à perdre du terrain et le 10 mars, Tessalit, près de la frontière algérienne tombe aux mains des groupes armés malgré l’intervention de l’aviation malienne.

Le coup d’État du 22 mars

C’est donc la frustration face à ce qui est perçu comme une certaine passivité d’un gouvernement plus préoccupé par les élections à venir que par la gravité de la situation dans le nord du pays qui pousse plusieurs soldats maliens à se rebeller contre leurs supérieurs militaires et civils, provoquant la chute du gouvernement. Le 22 mars, quelques douzaines de soldats armés se rebellent dans le camp militaire Soundiata Keïta de Kati, en périphérie de Bamako, prennent le bâtiment de l’Office de radiodiffusion télévision du Mali (ORTM) avant de se diriger vers le palais présidentiel de Koulouba où se trouve le chef de l’État, Amadou Toumani Touré (ATT). Le palais tombe rapidement entre leurs mains : la junte forme un Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), procède à l’arrestation des principaux responsables politiques du pays et suspend la constitution. Les élections présidentielles, qui devaient avoir lieu le 29 avril et voir ATT passer le relais à un successeur après deux mandats consécutifs, sont annulées.

Le coup d’État du 22 mars est condamné de manière unanime par la communauté internationale, et la CEDEAO évoque dès le 28 mars une éventuelle intervention militaire afin de ramener l’ordre constitutionnel. De plus, une coalition de partis politiques maliens, le Front uni pour la défense de la République et de la démocratie (FDR), se forme pour s’opposer au coup d’État. Pendant ce temps, les groupes armés profitent du chaos régnant à Bamako pour prendre Kidal, Gao et Tombouctou plus au Nord, les trois principales villes du nord du pays. Le 1er avril, le MNLA déclare de manière unilatérale l’indépendance de l’Azawad, alors que le chef de la junte, le capitaine Sanogo promet un retour prochain à l’ordre constitutionnel. La CEDEAO et l’UA poursuivent leurs pressions sur les putschistes et décident d’imposer des sanctions sur ceux-ci.

Accord et transition

Le 6 avril, devant les pressions de la CEDEAO, de l’UA et de la communauté internationale, le capitaine Sanogo annonce la signature d’un accord entre la junte et la CEDEAO. Cet accord prévoit notamment la désignation d’un Premier ministre et d’un président – poste qui sera occupé par le président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré – et la tenue d’élections présidentielles et législatives, dans un délai d’au plus 40 jours. En échange, les putschistes obtiennent une amnistie ainsi que la levée des sanctions votées à leur encontre. Le 12 avril, M. Traoré est investi président intérimaire du pays, alors que débutent des discussions sur l’adoption d’une feuille de route pour la transition entre les putschistes et le médiateur désigné par la CEDEAO et président du Burkina Faso, Blaise Compaoré. L’astrophysicien Cheick Modibo Diarra est nommé le 17 avril Premier ministre par M. Traoré. M. Diarra nomme son gouvernement le 25 avril, mais l’arrestation de plusieurs personnalités laisse craindre une main-mise de la junte sur le pouvoir civil.

Dans ce contexte, la CEDEAO organise le 26 avril un sommet extraordinaire sur la situation au pays lors duquel les chefs d’État des pays membres décident d’envoyer une mission afin de surveiller la transition, qui doit s’échelonner sur 12 mois. Ils n’écartent toutefois pas, dans des termes quelque peu équivoques, que cette mission puisse être éventuellement renforcée par le déploiement d’unités combattantes. Cependant, la Junte militaire rejette les décisions de la CEDEAO et se dit trahie par l’organisation. La CEDEAO dépêche le président du Burkina Faso et médiateur de la CEDEAO pour le conflit au Mali, Blaise Compaoré, afin de parvenir à une entente avec la junte militaire concernant la transition. Le 30 avril et 1er mai, la junte fait échec à un contre coup d’État perpétré des partisans de l’ancien président. Deux jours plus tard, les chefs d’État de la CEDEAO se réunissent à Dakar et réitèrent leur demande pour une période de transition de douze mois. Au cours de la fin de semaine du 5 et 6 mai, les membres de la junte militaire procèdent à l’arrestation de plusieurs hauts gradés de l’armée ayant participé à la tentative de contre coup d’État. Le médiateur de la CEDEAO quitte le Mali à la mi-mai, sans être parvenu à obtenir un accord sur la transition. L’un des principaux points litigieux est la désignation du chef de la transition, les militaires privilégiant le capitaine Sanogo, mais la CEDEAO souhaitant plutôt voir le président par intérim rester à la tête du pays. Finalement le 19 mai, plusieurs ministres des Affaires étrangères de la région se rencontrent à Abidjan et une délégation de la CEDEAO dirigée par le ministre burkinabé des Affaires étrangères, Djibrill Bassolé, arrive au Mali. Le jour même, la CEDEAO annonce que les responsables de l’ex-junte militaire acceptent que M. Traoré continue de diriger la transition jusqu’à l’organisation d’élections alors que l’Assemblée nationale amnistie les putschistes. Deux jours plus tard, M. Traoré est blessé assez sérieusement par des manifestants qui protestaient contre la prolongation de son mandat pour toute la durée de la transition.

Les islamistes prennent le contrôle du Nord

Alors que la CEDEAO continue les négociations en vue de déployer une mission au Mali et de trouver une solution politique à la crise, la situation sur le terrain évolue très rapidement. Le 27 mai, après plusieurs semaines de discussions parfois difficiles, la rebellions touareg du MNLA et le mouvement Islamiste Ansar Dine fusionnent et proclament la création d’un État islamique dans le nord du Mali. Cependant, l’alliance des deux groupes rebelles est de courte durée et se dissout début juin en raison de différends irréconciliables. En effet, le MNLA, laïc, est opposé à la version stricte de la charia prônée par Ansar Dine alors que le groupe islamiste quant à lui cherche à imposer un État islamiste sur l’ensemble du territoire malien, et par conséquent rejette l’indépendance de l’Azwad. Dès le 8 juin, des affrontements éclatent entre les islamistes et les touaregs du MNLA. Un autre groupe islamiste, le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), se joint à Ansar Dine pour combattre le MNLA. Le 27 juin, les combattants du MNLA sont expulsés de leur quartier général à Goa par le MUJAO et deux jours plus tard, Ansar Dine les chasse de Tombouctou. À peine un mois après le début des combats entre les touaregs et les islamistes, le MNLA est totalement évincé du Nord-Mali qui est à partir de ce moment complètement sous le contrôle des groupes armés islamistes.

Ce développement change fondamentalement la dynamique du conflit qui n’est plus alimenté par des revendications nationalistes touarègues, mais s’inscrit désormais dans un registre de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme islamiste. Après avoir pris le contrôle du Nord-Mali, les groupes islamistes, en particulier Ansar Dine, commencent à détruire les mausolées de Tombouctou faisant partie du patrimoine mondial de l’UNESCO et à imposer une version stricte de la charia dans les zones sous leur contrôle. La communauté internationale condamne vivement ces actions. La population du Nord-Mali organise également plusieurs manifestations pour s’opposer aux islamistes, en particulier aux châtiments publics brutaux utilisés pour imposer leur version de la charia.

La communauté internationale, jusque-là principalement préoccupée par le rétablissement de l’ordre constitutionnel, cherche désormais davantage à rétablir l’intégrité territoriale du Mali et à chasser les islamistes armés du pays. Ainsi, le 7 juin, des représentants de l’ONU, de l’UA et de la CEDEAO, se réunissent à Abidjan pour un sommet de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) au cours de laquelle ils demandent à l’UA de déposer une requête formelle auprès du Conseil de sécurité de l’ONU afin de fixer le mandat précis d’une opération militaire au Mali. Selon eux, il est nécessaire de mobiliser tous les moyens appropriés, y compris militaires, pour restructurer l’armée malienne, rétablir l’autorité étatique dans le nord du pays dans les plus brefs délais possibles et combattre les groupes armés qui ont pris le contrôle de la région. Le 16 juin, plusieurs chefs d’état-major de pays de la CEDEAO se réunissent à Abidjan pour une réunion de travail visant à valider un concept d’opération élaboré par les militaires de la CEDEAO, avec l’assistance d’experts de l’ONU, de l’UA et des États-Unis. À l’issue de cette réunion, les responsables militaires annoncent que la CEDEAO envisage de déployer une force militaire d’environ 3300 soldats au Mali afin de combattre les rebelles touareg et les islamistes armés dans le nord du pays. Ils précisent que la force servira à stabiliser et consolider les institutions de transition à Bamako, ainsi qu’à engager la reconquête du nord aux côtés de l’armée malienne. Le 29 juin, un sommet ordinaire de chefs d’État de la CEDEAO a lieu à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, afin de discuter des négociations en cours avec les groupes armés qui opèrent dans le nord du Mali et de l’envoi éventuel d’une force régionale d’éviter un enlisement de la situation. Au début du mois de juillet, les chefs d’État de la CEDEAO décident d’envoyer une mission technique au Mali dans le but de préparer l’envoi d’une force militaire ouest-africaine. Cette mission technique, composée de responsables militaires et politiques, est dirigée par le médiateur de la CEDEAO, Blaise Compaoré. Lors de cette réunion, la CEDEAO demande également au Conseil de sécurité de l’ONU d’accélérer l’adoption d’une résolution autorisant le déploiement d’une force régionale dans le nord du Mali.

Formation d’un gouvernement d’union nationale

Si l’envoi d’une force régionale pour aider l’armée malienne à reconquérir le nord devient l’option privilégiée au cours de l’été, plusieurs pays, notamment l’Algérie, continuent toutefois de favoriser une solution négociée. L’aspect politique reste ainsi un élément central de la stratégie de résolution du conflit. En plus des négociations qui se poursuivent entre les groupes armés islamistes du nord et de la médiation de la CEDEAO, la consolidation de la légitimité du gouvernement malien reste également un élément important de la solution politique à la crise. Le 7 juillet, le Groupe d’appui et de suivi sur la situation au Mali de la CEDEAO organise sa première réunion. Le Groupe réclame alors la mise en place, avant le 31 juillet, d’un gouvernement d’union nationale chargé de la mise en œuvre d’une feuille de route de sortie de crise au Mali. La CEDEAO menace de suspendre le pays si un tel gouvernement n’est pas formé. L’organisation demande également à la CPI de poursuivre les criminels de guerre dans le nord du pays. Le 29 juillet, devant le peu de progrès fait dans la formation du gouvernement d’union nationale, le président par intérim annonce la mise en place d’un Haut conseil d’État (HCE), qu’il présidera lui-même et dont l’objectif est de mettre sur pied les institutions qui permettront au pays de sortir la crise politique. Le président indique qu’il mènerait en personne les consultations devant aboutir à la formation du gouvernement d’union nationale. Cette décision constitue un désaveu du Premier ministre Diarra qui reste malgré tout en poste, mais voit ses responsabilités fortement réduites. Le 1er août, alors que l’échéance établie par la CEDEAO arrive à son terme, l’organisation accorde au Mali un délai de dix jours supplémentaires pour former le gouvernement d’union nationale. Finalement, ce n’est que le 20 août que la formation de celui-ci est annoncée. Aussitôt, la CEDEAO appelle le nouveau gouvernement malien, toujours dirigé par le Premier ministre Diarra, à agir rapidement pour organiser des élections et rétablir l’intégrité territoriale du pays. Cependant, le nouveau gouvernement d’union nationale est fortement critiqué par l’ensemble de la classe politique, tant par les opposants que par les partisans du putsch du 22 mars.

De plus, la Coordination des organisations patriotiques du Mali (COPAM), une coalition politique pro-putschiste, conditionne sa participation au nouveau gouvernement à l’organisation d’une concertation nationale visant à définir les paramètres de la transition. Peu après la création du nouveau gouvernement, les autorités font savoir qu’un comité technique chargé d’élaborer les termes de références de la concertation nationale a été mis sur pied. Sans spécifier la date à laquelle devraient se tenir ces discussions nationales, il est précisé que celles-ci ne disposeront pas de pouvoirs décisionnels et ne seront en aucun cas des conférences nationales souveraines. Finalement, le début du processus de concertation nationale est fixé au 26 novembre. Par ailleurs, au début novembre, le gouvernement annonce qu’il n’y aura pas d’élection organisée au Mali avant la reconquête du nord du pays.

Dans les jours précédant le début des concertations nationales, le gouvernement annonce que celles-ci sont reportées et auront finalement lieu du 10 au 12 décembre. Le président Traoré explique que ce report vise à permettre une préparation et une inclusion optimales. Toutefois, plusieurs désaccords au sein de la classe politique, notamment concernant la composition de la commission chargée d’organiser les consultations et le déroulement de celles-ci, font obstacle à leur tenue. Le 10 décembre, le Premier ministre Diarra est arrêté à son domicile par des militaires sous les ordres du capitaine Sanogo, et est accusé d’avoir géré la crise malienne en fonction d’un agenda personnel. M. Diarra qui, contrairement à l’ex-junte, s’était montré favorable à une mission internationale, est forcé de donner sa démission ainsi que celle de son gouvernement. Le président malien annonce également le report des trois journées de concertation nationale à une date ultérieure indéterminée. Ce renversement du gouvernement de transition par les militaires est fortement condamné par la communauté internationale et en particulier par l’UA, l’ONU et la CEDEAO. Le 12 décembre, Diango Cissoko, est nommé au poste de Premier ministre et forme un nouveau gouvernement trois jours plus tard. Bien que la présence de membres de l’ex-junte militaire reste importante dans ce nouveau gouvernement (ceux-ci contrôlent entre autres les ministères de la Défense et de la sécurité intérieure), la nouvelle équipe gouvernementale comprend des représentants des principaux regroupements politiques maliens, dont la COPAM. Cependant, cette dernière et plusieurs autres éléments de la société civile continuent d’exiger la tenue immédiate de concertations nationales souveraines. Début janvier, la coalition politique dénonce le fait que le président par intérim cherche à imposer l’adoption d’une feuille de route pour la transition par vote à l’Assemblée nationale, et ce, sans passer par le processus de concertation tel que promis depuis la formation du gouvernement d’union nationale au mois d’août.

Élaboration du concept opérationnel

Suite aux demandes de plus en plus pressantes de la CEDEAO et à l’envoi d’une mission technique de préparation au Mali, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte le 5 juillet la résolution 2056, qui soutient pleinement les efforts de la CEDEAO visant à résoudre la crise malienne, mais demande davantage de précisions sur les objectifs, les moyens et les modalités d’une éventuelle mission régionale. Du 25 au 27 juillet, le Comité des Chefs d’État-major de la CEDEAO se réunit d’urgence afin de discuter des préparatifs pour le déploiement de la force régionale suite à la mission d’évaluation technique envoyée dans le pays. La CEDEAO prévoit alors de déployer la force dès que les autorités maliennes auront adressé une demande formelle en ce sens à l’ONU et que le Conseil de sécurité aura autorisé un tel déploiement par le biais d’une résolution. Le 13 août, les chefs d’état-major de la CEDEAO se réunissent de nouveau afin de finaliser les contours et les prérogatives de la force régionale dans le but de les soumettre par la suite au Conseil de sécurité. La CEDEAO propose l’intervention en trois phases d’une mission composée d’environ 3300 soldats. La première phase consiste à déployer des troupes étrangères à Bamako afin de sécuriser les institutions de transition. Dans un deuxième temps, la mission contribuerait au renforcement des capacités des forces maliennes par leur réorganisation et leur entraînement. Finalement, la troisième phase consiste à soutenir l’armée malienne dans la reconquête du nord. Cependant, les autorités maliennes tardent à approuver le plan de la CEDEAO. Si elles sont d’accord avec l’organisation régionale sur les deux dernières phases du plan, tant que l’armée malienne garde un rôle central dans la reconquête du nord, elles exigent en effet que la sécurisation des institutions de la République soit entièrement assurée par les forces de sécurité maliennes.

Finalement, le 4 septembre, estimant que l’urgence d’une action concertée du Mali, de la CEDEAO et de la communauté internationale n’est plus à démontrer, le président Traoré demande au président de la CEDEAO, Alassane Ouattara, d’appuyer militairement l’armée malienne pour reconquérir le nord du pays. Dans la lettre de requête officielle, le chef d’État malien indique clairement que le Mali considère que le déploiement d’une force militaire et de police n’est pas nécessaire pour sécuriser les institutions de la transition à Bamako. C’est plutôt la reconquête du Nord qui constitue le défi majeur, et une assistance est nécessaire pour la remise à niveau rapide des unités de l’armée. M. Traoré demande aussi le renforcement des capacités antiterroristes, notamment par l’envoi d’un détachement de policiers et d’équipements. Il précise qu’un appui aérien et l’envoi de cinq bataillons des forces de la CEDEAO sur la ligne de front seront nécessaires, demandant que ceux-ci soient graduellement engagés pour contrôler les villes reconquises et fournir un soutien logistique, et non pas pour combattre directement.

Suite à la demande officielle du gouvernement malien, les préparatifs pour le déploiement de la mission de la CEDEAO se poursuivent en coordination avec l’UA et l’ONU. Les 14 et 15 septembre, le comité des chefs d’état-major de la CEDEAO se réunit afin d’analyser la requête du gouvernement malien et de faire des propositions concrètes pour l’engagement de la Force en attente de la CEDEAO dans le cadre de la mission régionale au Mali. Cette mission est alors désignée sous l’acronyme MICEMA. Deux jours plus tard, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères des États de la CEDEAO se réunissent à Abidjan et examinent les propositions formulées par leurs chefs d’état-major afin d’élaborer, en collaboration avec l’UA, un projet de mission qui sera présenté au Conseil de Sécurité de l’ONU. Le 21 septembre, dans une déclaration à la presse (SC/10772 AFR/2443), le Conseil de sécurité de l’ONU prend note de la demande d’assistance formulée par le gouvernement malien et se dit prêt à examiner une proposition réaliste et faisable de la part de la CEDEAO pour y répondre. Le Conseil stipule que cette proposition doit détailler les objectifs, les moyens et les modalités du déploiement de cette force.

Le même jour, la CEDEAO demande au Mali de réécrire sa demande d’assistance, estimant que certains points évoqués par Bamako posent problème et ne permettent pas l’accomplissement efficace d’une éventuelle mission. L’organisation estime que les autorités maliennes de transition doivent notamment accepter que la mission possède un minimum d’éléments militaires, afin d’assurer la logistique de l’opération et de sécuriser les institutions de transition. Deux jours plus tard, un accord de principe entre le gouvernement du Mali et la CEDEAO survient concernant le déploiement de la mission. Cet accord autorise notamment le déploiement d’une force militaire sur l’ensemble du territoire, y compris dans la capitale. Cependant, le gouvernement reste réticent et n’accepte que le déploiement de soldats ouest-africain et demande que la mission soit déployée avec discrétion afin de ne pas heurter la susceptibilité et la sensibilité des populations. En effet, une partie de la population, avec en tête la COPAM, s’oppose au déploiement de la mission craignant entre autres que celle-ci ne déclenche une guerre civile au Mali. L’intervention est néanmoins demandée par une autre partie de la population, par le Premier ministre, le président et par les élus du Nord-Mali.

D’autre part, la France joue un rôle de plus en plus actif dans la préparation de la mission. Le pays confirme entre autres qu’il fournira un soutien logistique à l’intervention militaire dans le Nord et que ses forces spéciales entraîneront les soldats africains qui composeront la force d’intervention. En Septembre, la diplomatie française participe à l’organisation de la Conférence sur le Sahel en marge de l’assemblée générale de l’ONU. Cette conférence permet la mobilisation des volontés politique afin d’appuyer l’autorisation d’une force militaire régionale au Mali. La France propose également une résolution qui est adoptée le 12 octobre par le Conseil de sécurité de l’ONU, la résolution 2071. Cette résolution donne notamment 45 jours à la CEDEAO et à l’UA pour préciser les modalités de leur intervention et invite le gouvernement malien et les rebelles touaregs à s’impliquer dès que possible dans un processus de négociations crédible, afin de rechercher une solution politique viable. Des ouvertures de la part des groupes armés sont faites : le MNLA renonce entre autres à la sécession du l’Azawad et Ansar Dine se dit prêt à négocier directement avec les autorités maliennes;toutefois, celles-ci ne débouchent pas sur des résultats concrets.

Le 19 octobre, le Groupe de soutien et de suivi sur le Mali tient sa deuxième rencontre au cours de laquelle les participants étudient le concept stratégique qui a été élaboré par les chefs d’état-major et les ministres de la Défense et des Affaires étrangères de la CEDEAO. Dans les conclusions de la réunion, le Groupe salue le projet de mission et estime qu’il constitue une étape importante vers une plus grande coordination entre les acteurs internationaux et vers une approche globale à la crise malienne. Le Groupe encourage également la CEDEAO, l’UA, l’ONU et l’UE à accélérer la finalisation de la planification conjointe pour répondre à la demande d’assistance des autorités maliennes. Le 24 octobre, la 339e réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’UA tenue au niveau ministériel (PSC/MIN/COMM.2(CCCXXXIX)) approuve les décisions du Groupe de soutien et de suivi sur le Mali concernant le concept opérationnel. Finalement, du 30 octobre au 4 novembre, des experts de la CEDEAO, de l’UE, de l’ONU, de l’UA et pays africains se réunissent à Bamako afin de finaliser et d’harmoniser le concept opérationnel de l’intervention militaire régionale au Mali.

Cette réunion, à laquelle participe notamment le chef d’état-major de la Force en attente de l’UA, le Général Sékouba Konaté, se conclut par l’adoption du « Concept harmonisé des Opérations pour le déploiement de la Force Internationale conduite par l’Afrique ». La mission est désormais identifiée par l’acronyme MISMA. Le concept opérationnel harmonisé est adopté deux jours plus tard par les chefs d’état-major de la CEDEAO et le 9 novembre, par les ministres de la Défense et des Affaires étrangères. Le 11 novembre, lors d’un sommet extraordinaire, les chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO adoptent à leur tour le concept opérationnel harmonisé. Ils précisent que la force militaire de 3300 soldats sera placée sous l’autorité de la CEDEAO et sera majoritairement composée par les pays membres, mais que des États non membres pourront également fournir des contingents. Ils exhortent également le Conseil de Sécurité de l’ONU à procéder à l’examen diligent de ce Concept en vue d’autoriser le déploiement de la MISMA, sous chapitre VII, le plus rapidement possible. Le Concept d’opération est finalement entériné deux jours plus tard par le Conseil de paix et de sécurité de l’UA (PSC/PR/COMM.2(CCCXLI)). La même journée, le président de la Commission de la CEDEAO, Kadré Désiré Ouedraogo, annonce que la MISMA est prête à être déployée.

L’ONU autorise la mission de la CEDEAO

Le Concept harmonisé des Opérations, aussi intitulé « cadre opérationnel stratégique », est transmis au Conseil de sécurité de l’ONU le 15 novembre. Le 29 novembre, le Secrétaire général de l’ONU soumet au Conseil de sécurité un rapport (S/2012/894), en application de la résolution 2071, qui fait le point sur l’application de cette résolution, particulièrement en ce qui concerne l’appui apporté par l’ONU au processus politique malien et l’établissement de plans pour le déploiement éventuel de la force régionale. Dans ce rapport, le Secrétaire général présente au Conseil le « cadre opérationnel stratégique » adopté par la CEDEAO et l’UA et définis les contours de l’opération envisagée. Dans la recommandation qu’il formule dans son rapport, le Secrétaire général reconnais qu’une opération militaire pourrait être nécessaire en dernier recours pour affronter les éléments extrémistes et criminels les plus intraitables dans le nord, mais souligne l’importance de prioriser une solution politique. La réticence du Secrétaire général a recommandé l’autorisation d’une force militaire et rapidement dénoncé par l’UA et la CEDEAO.Ce n’est que le 20 décembre que le Conseil adopte, en vertu de l’article VII de la charte de l’ONU, la résolution 2085 autorisant le déploiement de la MISMA. Le texte de six pages, qui comprend un volet politique et un volet militaire, tente de prendre en compte tous les doutes qui entourent cette intervention au Mali, notamment les risques humanitaires exprimés dans un rapport du Secrétaire général et les questions relatives au respect des droits de l’homme par les soldats maliens et africains. Sur le plan politique, la résolution appelle Bamako, conformément à l’Accord-cadre signé le 6 avril 2012, à finaliser, grâce à un dialogue politique large et ouvert, une feuille de route pour la transition visant à rétablir pleinement l’ordre constitutionnel, notamment en organisant des élections présidentielles et législatives avant avril 2013. Elle invite aussi les autorités maliennes de transition à engager des négociations crédibles avec les groupes présents dans le nord du pays qui se dissocieront des organisations terroristes de la région.

Sur le plan militaire, le Conseil souligne que la consolidation et le redéploiement des Forces de défense et de sécurité maliennes dans tout le territoire du pays sont d’une importance vitale pour assurer la sécurité et la stabilité du Mali et protéger le peuple malien. C’est pourquoi le Conseil demande instamment aux États membres et aux organisations régionales et internationales de fournir aux Forces de défense et de sécurité maliennes un soutien coordonné sous forme d’aide, de compétences spécialisées, de formation et de renforcement des capacités, afin de rétablir l’autorité de l’État malien sur la totalité du territoire national, de préserver l’unité et l’intégrité territoriale du Mali et d’atténuer la menace que représentent les organisations terroristes et les groupes qui y sont affiliés.

La résolution 2085 autorise le déploiement de la MISMA pour une période initiale de douze mois, sans préciser le nombre d’effectifs autorisés. La mission devra dans un premier temps reconstituer la capacité de l’armée malienne, en étroite coordination avec les autres partenaires internationaux. Dans un deuxième temps, la mission devra aider les autorités maliennes à reprendre le contrôle du Nord et à réduire la menace posée par les organisations terroristes qui s’y trouvent. La MISMA est aussi appelée à contribuer, dans les limites de son mandat, à l’action menée sur le plan national et international, y compris par la CPI, pour traduire en justice les auteurs d’atteintes graves aux droits de l’homme et au droit international humanitaire au Mali. Le Conseil invite toutes parties maliennes, et en particulier le gouvernement, à apporter un appui plein et entier au déploiement et aux opérations de la MISMA, notamment en assurant sa sécurité, sa liberté de mouvement et en lui garantissant un accès immédiat et sans entrave à tout le territoire malien. Le Conseil demande de plus aux États membres de fournir des contingents et un appui coordonné à la MISMA, et les engage à fournir les moyens financiers et les contributions en nature dont la mission a besoin pour son déploiement et l’exécution de son mandat. Pour faciliter le financement de la mission, le Conseil demande au Secrétaire général de créer un fonds d’affectation spécial, dans lequel États membres pourront verser des contributions financières destinées à la MISMA ou à la formation et à l’équipement des Forces de défense et de sécurité maliennes. Le Conseil affirme aussi envisager de fournir, pour une durée initiale d’un an, des dispositifs de soutien logistique à la MISMA. Ces dispositifs seraient financés par l’ONU, de manière volontaire, et comprendraient à la fois du matériel et des services.

Avant d’autoriser son intervention dans le nord du Mali, le Conseil de sécurité exige que la MISMA atteigne un niveau de préparation satisfaisant, établi selon certains critères précis. Afin d’évaluer ces critères, le Conseil demande à l’UA, en étroite coordination avec la CEDEAO, le Secrétaire général et les autres organisations internationales et partenaires bilatéraux, de lui faire rapport tous les 60 jours sur le déploiement et les activités de la MISMA. Ces rapports doivent couvrir les points suivants : « i) [les progrès accomplis] dans le déroulement du processus politique au Mali, en particulier dans l’élaboration de la feuille de route pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel et dans les négociations entre les autorités maliennes et l’ensemble des parties dans le nord du Mali qui ont rompu tout lien avec les organisations terroristes; ii) la formation effective des unités militaires et de police, tant celles de la MISMA que celles des Forces de défense et de sécurité maliennes, sur les obligations que leur imposent le droit international humanitaire, des droits de l’homme et des réfugiés; iii) l’état de préparation opérationnelle de la MISMA, y compris le niveau de ses effectifs, sa direction et l’équipement de ses unités, leur adaptation opérationnelle au climat et au terrain d’opérations, la capacité de réaliser des opérations armées conjointes avec un soutien logistique et un appui-feu aérien et terrestre; iv) l’efficacité de la chaîne de commandement de la MISMA, notamment en ce qui concerne ses rapports avec les Forces de défense et de sécurité maliennes ».

Mission de l’UE

Parallèlement à la préparation de la MISMA, l’UE planifie le déploiement d’une mission de soutien, l’EUTM Mali, pour soutenir les efforts de la CEDEAO et des autorités maliennes dans le rétablissement de la paix au Mali. Dès la mi-octobre, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, annonce que l’UE prépare une mission de formation au Mali. Lors de sa session du 15 octobre, le Conseil des affaires étrangères réaffirme que l’UE est déterminée à aider le Mali à rétablir l’ordre constitutionnel, l’État de droit et un gouvernement démocratique et pleinement souverain sur l’ensemble de son territoire. Le 19 novembre, les ministres européens des Affaires étrangères donnent leur accord de principe pour la création d’une mission européenne visant à soutenir l’intervention militaire de la CEDEAO au nord du Mali. Les ministres décident que cette mission déploiera des formateurs européens dans les environs de Bamako à partir du début 2013. Finalement, le 10 décembre, le Conseil de l’UE approuve le concept de gestion de crise relatif au déploiement d’une mission au Mali (17535/12).

Cette mission, qui s’inscrit dans le cadre de la PSDC et de la résolution 2071 du Conseil de sécurité de l’ONU, vise à appuyer la formation et la réorganisation des forces armées maliennes. L’EUTM Mali a ainsi pour objectif de contribuer à améliorer les capacités militaires et l’efficacité des forces armées maliennes afin de permettre, sous autorité civile, le rétablissement de l’intégrité territoriale du pays. Le Conseil décide que l’EUTM Mali est composée d’environ 400 militaires européens, dont 250 formateurs. Ils ont spécifiquement pour mission de former quatre bataillons de l’armée malienne, composés de 650 soldats chacun. L’objectif est de rendre ces bataillons opérationnels en vue de la reconquête du nord. Le 17 janvier, à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères des 27 pays de l’UE approuvent l’envoi de la mission. Le même jour, le Conseil de l’UE adopte sa décision finale (2013/34/PESC) autorisant le déploiement de la mission pour une période initiale de quinze mois.

Intervention française et déploiement de la MISMA

Le 11 janvier 2013, suite à une offensive-surprise des rebelles islamistes vers le sud du Mali, au cours de laquelle ces derniers capturent la ville de Konna, la France décide de déployer immédiatement des soldats au Mali en soutien à l’armée malienne. L’opération française, baptisée Serval et qui a pour objectif de mettre fin à l’avancée de rebelles vers le Sud, réussit dans un premier temps à stopper l’avancée des les forces rebelles, puis à les faire reculer. D’autres pays africains, dont le Nigéria, déploient également des troupes pour venir en aide au gouvernement malien dans leur lutte contre les groupes armés islamistes. Cette intervention militaire française, qui a reçu l’appui unanime des membres du Conseil de sécurité de l’ONU le 14 janvier, est en conformité avec la résolution 2085 et a été saluée par la majorité de la communauté internationale, en particulier par l’UA, la CEDEAO, l’UE et l’OTAN.

Suite à l’intervention française, la CEDEAO autorise dans le communiqué N° 005/2013 du 11 janvier, l’envoi immédiat de troupes sur le terrain, dans le cadre de la MISMA, pour aider l’armée malienne à recouvrer l’intégrité de son territoire et lutter contre le terrorisme. Dès le lendemain, le Nigéria, le Burkina Faso et le Niger s’engagent à déployer à court terme des troupes dans le cadre de la MISMA. Le 13 janvier, un premier groupe de militaires de la CEDEAO arrive à Bamako afin de préparer le déploiement de la MISMA. Deux jours plus tard, les chefs d’état-major de la CEDEAO se rendent dans la capitale malienne pour discuter du déploiement imminent de la mission. Parallèlement, plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Canada, à défaut de participer militairement à la mission, s’engagent formellement à fournir un soutien logistique à la mission.

Le 16 janvier, un premier contingent de 200 soldats tchadiens arrive à Bamako, suivi le lendemain par une centaine de soldats togolais. Le 19 janvier, les chefs d’État de la CEDEAO demandent un engagement plus large des grandes puissances et du plus grand nombre possible d’États et d’organisations aux opérations militaires au Mali tout en rappelant que l’opération Serval n’a pas vocation à se substituer à l’action de la MISMA. Le communiqué final de la réunion stipule également qu’environ 2 000 soldats ouest-africains doivent être déployés au Mali dans le cadre de la MISMA avant le 26 janvier. Le lendemain, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, annonce que, grâce à la contribution tchadienne, la MISMA devrait être composée de 5 500 soldats au lieu des 3300 initialement prévus. En plus des annonces de contributions africaines qui se multiplient, le MNLA s’est également dit prêt à combattre aux côtés de la MISMA, ce qui dans les faits constitue un geste symbolique étant donné l’affaiblissement de la rébellion touarègue depuis ses défaites face aux islamistes.

Le 22 janvier, face au recul des islamistes, l’armée malienne affirme qu’elle compte reprendre le contrôle de Gao et Tombouctou d’ici un mois. Cependant, comme le démontrent les accusations d’exactions et d’exécutions sommaires formulées contre les forces maliennes depuis le début de l’offensive, d’importants défis restent encore à relever dans la reconquête du Nord, en particulier concernant la formation et le professionnalisme des troupes maliennes. De plus, les groupes islamistes armés opposent une plus grande résistance qu’anticipée face à l’avancée des troupes maliennes et internationales. Malgré ces difficultés, la France annonce que l’opération Serval devrait compter à terme jusqu’à 4 000 soldats en sol malien et les annonces de contribution à la MISMA continuent de se multiplier.

Transformation de la Mission

Le 7 mars 2013, le Conseil de paix et de sécurité de l’UA lors de sa 358e réunion entérine un nouveau du Concept d’opérations harmonisé (CONOPS) qui avait été adopté par les chefs d’état-major de la CEDEAO le 22 février. Conformément à ce nouveau CONOPS, la MISMA passe sous l’autorité de l’UA. Le document n’est toutefois pas accessible au public, ce qui rend opaques les modalités de ce transfert d’autorités ainsi que ses implications. Ce changement vise principalement à permettre à des pays africains ne faisant pas partie de la CEDEAO de participer à la force luttant contre les islamistes au Mali. En plus du Tchad, qui est déjà sur le terrain, le Rwanda et le Burundi seraient ainsi intéressés à déployer des troupes au Mali. De plus, le CONOPS semble prévoir un partage de responsabilités entre les deux organisations, caractérisée notamment par le fait que l’ancien président du Burundi, Pierre Buyoya, est nommé chef de la mission tandis que le Représentant spécial de la CEDEAO, Cheaka A. Toure, est nommé chef adjoint.

La présence de l’ONU au Mali s’intensifie au cours des premiers mois de 2013. Conformément à la résolution 2085, le Bureau des Nations Unies au Mali (BUNUMA)  commence à se mettre en place le 21 janvier. Tout au long de la planification de ses activités, le BUNUMA consulte les autorités maliennes pour déterminer leurs besoins et ainsi adapter l’appui à apporter aux Maliens pour leur permettre de régler par eux-mêmes la crise politique. En date du 22 mars 2013, 47 fonctionnaires de l’ONU, dont 23 agents chargés de l’appui à la mission, sont sur le terrain.

Outre la présence du BUNUMA, l’ONU est de plus en plus sollicitée pour jouer un rôle de soutien et de complément à la MISMA. Le 25 février, Ban Ki-Moon fait parvenir au Conseil de sécurité de l’ONU (S/2013/113) une lettre du président malien par intérim. Ce dernier y explique que l’objectif de libération du territoire du Mali établi par la résolution 2085 n’est pas encore atteint et que la présence de terroristes sur une partie du territoire malien continue de menacer la sécurité sous-régionale et même internationale. Par conséquent, le président Traoré sollicite le soutien de l’ONU pour assurer une mise en place rapide de la MISMA de manière à répondre au mandat concernant la restauration de l’autorité et de la souveraineté de l’État malien sur l’ensemble du territoire national. Selon lui, la réalisation de cet objectif conduira à une transformation de la MISMA en une opération de stabilisation et de maintien de la paix de l’ONU. Dans sa réponse, le président du Conseil de sécurité demande au Secrétaire général de formuler,  dans son prochain rapport sur le Mali, des recommandations en vue de la création d’une telle opération, notamment sur sa taille, son mandat et sa composition. Dans le but de préparer ces recommandations, le Sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, Edmond Mulet, se rend au Mali du 10 au 16 mars en compagnie d’une délégation pluridisciplinaire. Lors de cette visite, il affirme que l’ONU table sur la « présence complète » de sa « mission de stabilisation » au Mali en juillet pour remplacer la MISMA et l’essentiel de l’armée française.

Le 25 mars, les chefs d’État-major des pays participants à la MISMA se réunissent pour deux jours à Yamoussoukro afin de discuter du projet de transformation de la MISMA en une mission de paix de l’ONU capable de recourir à la force. Outre les chefs militaires ouest-africains, le conseiller militaire du Secrétaire général de l’ONU, le général Babacar Gaye, le commandant de l’Opération Serval, le général Grégoire de Saint-Quentin et le chef d’état-major de l’armée tchadienne Brahim Sehid Mahamat, participent à la rencontre. À l’issue des discussions, le général ivoirien, Soumaïla Bakayoko, déclare que cette nouvelle mission « ne sera pas une mission de paix classique », qu’elle sera « beaucoup plus robuste et mieux équipée » et « qu’elle nécessitera plus de moyens financiers » que la MISMA

La même journée, les recommandations du Secrétaire général sont finalement présentées au Conseil de sécurité dans son rapport du 26 mars (S/2013/189). Ban Ki-moon propose deux options au conseil de sécurité. La première est celle d’une présence politique intégrée et multidimensionnelle de l’ONU aux côtés d’une force militaire sous conduite africaine. La deuxième option, qui semble mieux répondre aux attentes des acteurs africains, est celle d’une mission de stabilisation intégrée multidimensionnelle de l’ONU sous Chapitre VII, en complément d’une force parallèle. Le BUNUMA serait ainsi intégré à cette présence et la nouvelle mission appuierait le processus politique en plus de devoir stabiliser et sécuriser la situation sur le terrain. Le Secrétaire général recommande que la mission axe ses efforts sur les principales agglomérations et lignes de communication, la protection des civils, le respect des droits de l’homme, les conditions de la fourniture de l’aide humanitaire et du retour des déplacés, l’extension de l’autorité de l’État et la préparation d’élections libres, ouvertes à tous et pacifiques. La force obéirait à des règles d’engagement fermes et serait autorisée à utiliser tous les moyens nécessaires pour contrer les menaces susceptibles d’entraver l’exécution de son mandat, y compris pour assurer la protection du personnel de l’ONU et des civils directement exposés à des violences physiques. À ce titre, elle pourrait mener des opérations seule ou en coopération avec les forces de défense et de sécurité maliennes. Selon le Secrétaire général, il est indispensable de déployer une force parallèle au Mali (et éventuellement dans la sous-région), aux côtés d’une telle mission de l’ONU. Cette force parallèle aurait pour but de mener des combats et des opérations de lutte antiterroriste d’envergure et d’apporter une aide spécialisée, dépassant la portée du mandat et des capacités de l’ONU. Une telle capacité de projection sur le théâtre des opérations serait ainsi nécessaire pendant un certain temps avant de pouvoir envisager le déploiement d’une force à plus long terme. Pour ce qui est des effectifs, l’essentiel du personnel de la MISMA serait transféré à la mission de l’ONU, ainsi que les autres contingents fournis par les pays ne participant pas à la mission africaine. Le niveau recommandé d’effectifs autorisés pour cette mission est de 11 200 soldats et de 1 440 policiers (comprenant huit unités de police constituées et 320 policiers individuels).