Blog

Colloque régional sur le radicalisme et l’extrémisme violent dans le Sahel : Discours de L’Ambassadeur de la Mauritanie, Chargé de Mission, Sidi Mohamed Ould Sidaty

Discours du Représentant de la Mauritanie

Monsieur le Président de la mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel

Honorables participants

Mesdames, Messieurs

Permettez-moi, de prime abord, de vous remercier au nom du Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération pour l’invitation que vous lui avez adressée pour assister aux assises de cet important colloque sur le radicalisme et l’extrémisme violent dans le Sahel.

Il s’agit, là, d’une thématique portant sur le terrorisme international qui constitue le principal défi pour la communauté internationale qui est, pour le moment, incapable de définir sa notion ou d’apporter les remèdes adéquats à ses causes et conséquences.

En effet, l’extrémisme violent puise ses sources dans une interaction entre des phénomènes croisés qui se nourrissent des frustrations d’une certaine frange de la population, sans perspective visible, d’une part, et une rhétorique stigmatisant les religions en développant des discours islamophobes, considérant l’islam comme une « altérité radicale et conflictuelle » d’autre part.

Face aux menaces que fait peser l’extrémisme violent sur la paix et la sécurité internationales, la Mauritanie a construit une approche multidimensionnelle qui se nourrit d’une vision holistique allant de la prévention à la répression.

Dans le cadre de cette approche, notre pays a introduit des méthodes innovantes dans les domaines diplomatique, juridique, éducatif, économique, social et religieux afin de rendre opérants les mécanismes de lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation qui en est le corolaire.

La présente contribution mettra en exergue les axes de la stratégie nationale de lutte contre l’extrémisme violent (I) et le processus de dé-radicalisation (II) qui en découle.

  1. Les axes de la stratégie nationale de la lutte contre l’extrémisme violent

Conçue et mise en œuvre, la stratégie nationale s’article autour de quelques axes dont notamment :

  • Une diplomatie préventive mettant la sécurité au cœur du développement et privilégiant l’adhésion consciente du citoyen pour l’éradication du terrorisme avec ses multiples ramifications ;
  • Une diplomatie multilatérale visant la conformité de notre droit national au droit international.

Cet effort d’harmonisation a permis d’enrichir notre dispositif juridique par deux lois contre le terrorisme et le blanchiment de l’argent et le financement du terrorisme (loi n°2005-048 du 27/07/2005 relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et loi n°2010-035 du 21/07/2010 relative à la lutte contre le terrorisme).

  • L’adhésion de notre pays à l’approche commune de la communauté internationale contre le terrorisme décrite dans la résolution n°60/288 du 09/09/2006 (stratégie mondiale de l’ONU).
  • Le recours au dialogue religieux, conformément à la résolution de l’ONU n°1624 du 14/09/2001 pour convaincre les extrémistes des bienfaits de la modération.
  • La lutte contre la pauvreté et l’exclusion grâce à une politique réussie en matière d’éducation, d’emploi des jeunes et d’égalité des chances.
  • Le tarissement des sources de financement du terrorisme grâce à une législation répressive qui prévoit le gel des fonds appartenant à des personnes présumées terroristes et figurant sur une liste nationale ou internationale (ONU)
  • La promotion de la paix en cultivant l’esprit de modération et de pondération comme moyen de lutte contre l’extrémisme violent (Colloque international de Nouakchott du 19au 20 août 2015)

Cette approche multidimensionnelle associée au rôle stratégique joué par le Président de la République  SEM Mohamed Ould Abdel Aziz en Afrique et dans le monde a permis à notre pays d’être qualifié de « Leadership mondial en matière de lutte contre l’extrémisme violent » par le Secrétaire général de l’ONU SEM Ban Ki-moon lors de sa visite à Nouakchott en 2016et par le Président des Etats Unis d’Amérique, SEM Barack Obama, suite au colloque organisé à Nouakchott du 19 au 20 août 2015, avec la présence de la Sous-secrétaire d’Etat américaine.

  1. Le processus de dé-radicalisation

La dé-radicalisation est un processus dont l’efficience est tributaire de la capacité de créer des conditions propices pour un dialogue avec les personnes radicalisées afin qu’elles parviennent à surmonter le doute de rejet qui les anime et accepter la vie normale en société.

L’expérience mauritanienne en matière de dé-radicalisation renseigne sur l’efficacité du dialogue religieux avec les extrémistes qui a été initié par les autorités nationales, en se fondant sur les principes de tolérance et de modération de l’Islam, principe qui ont été mis en valeur par d’éminentes personnalités religieuses (Erudits et Imans).

Les résultats de ce dialogue ont permis la réinsertion dans la société des personnes dé-radicalisées, grâce à l’octroi de prêts commerciaux à long terme pour financier des activités économiques.

Le bilan de la lutte contre la radicalisation se présente comme suit :

  • Cellules démantelées : 115 cellules dormantes
  • Condamnations : 70
  • Repentances : 68

Ce processus de dé-radicalisation est conforme à l’appel lancé aux Etats par l’ONU, en vertu de la résolution n°1624 du 14/09/2001, pour cultiver la modération en poursuivant l’action menée pour « que les civilisations dialoguent davantage et se comprennent mieux afin d’empêcher le dénigrement inconsidéré des religions et cultures des autres » fin de citation.

En luttant contre la radicalisation, la législation nationale s’est conformée au droit international grâce à une approche préventive qui repose sur la nécessité d’une adhésion du citoyen aux principes religieux et moraux de l’islam.

Ainsi, l’article 1 de la loi n°2010-035 du 21/07/2010 rejette «  toute forme de dérive, fanatisme, prosélytisme religieux et apologie de la violence ».

En se dotant d’une législation antiterroriste répressive, la Mauritanie s’est, également, inscrite dans l’approche onusienne contre la stigmatisation de la religion, exprimée dans la résolution n°60/288 du 09/09/2006 prêchant la modération en ces termes : « le terrorisme ne saurait, ni ne devrait être associé à une religion donnée, à une nationalité ou à une origine ethnique ». Fin citation.

En conclusion, dans une région, fortement, exposé aux défis de l’extrémisme, les stratégies nationales devraient intégrer la nécessité de traduire les convergences de vues à travers un plan d’action unifié afin de coordonner en matière de lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation dans le Sahel.

Je vous remercie.

L’Ambassadeur Chargé de Mission

Sidi Mohamed Ould Sidaty