- Les piliers de l’approche
L’approche mauritanienne contre le terrorisme et l’extrémisme violent repose sur 4 piliers essentiels qui expriment une vision holistique en matière de lutte contre le territoire, à travers la conformité du pays au droit international (1), l’harmonisation du droit national avec le droit international (2), l’élaboration d’une stratégie nationale face au défi terroriste (3) et la mise en œuvre d’un processus de dé-radicalisation fondé sur le dialogue et la modération (4).
- La conformité au droit international
La Mauritanie s’est conformée au droit international en ratifiant les conventions internationales[1] contre le terrorisme et en adhérant à l’approche stratégique commune de la communauté internationale et aux dynamiques institutionnelles de la Ligue des Etats arabes et de l’Union Africaine2 en matière de lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes.
Membre actif de l’Organisation des Nations Unies, la Mauritanie a consolidé cette conformité au droit international en adaptant son droit national aux résolutions pertinentes relatives à la lutte contre le terrorisme, dont notamment :
- La résolution n°60/288 du 09/09/2006 relative à la stratégie mondiale contre le terrorisme.
- La résolution n°1373 du 28/09/2001 relative à la prévention et la répression des actes terroristes.
- La résolution n°1624 du 14/09/2001 préconisant le dialogue des civilisations et des cultures contre l’extrémisme.
Renforçant son rôle au sein de l’ONU, notre diplomatie multilatérale s’est émancipée en présentant à New York, en marge de l’Assemblée générale en septembre 2015, une approche multidimensionnelle novatrice, devant la direction exécutive de la lutte contre le terrorisme.
Cette approche qui privilégie le dialogue et la modération pour la construction de la paix a été jugée innovante faisant de notre pays le « leadership[2] mondial » en matière de lutte contre l’extrémisme violent.
- L’harmonisation du droit national avec le droit international
A l’instar des pays membres de l’ONU, la Mauritanie a harmonisé son droit national avec le droit international en transposant dans le droit interne les dispositions des conventions et résolutions internationales relatives à la prévention et à la répression des actes terroristes.
Cette harmonisation a enrichi le dispositif juridique national d’une législation résultant de deux lois : La loi n°2005-048 du 27/07/2005 relative à la lutte contre le blanchiment de l’argent et le financement du terrorisme modifiée par la loi n°013 du 15/04/2016 et la loi n°2010-035 du 21/07/2010 relative à la lutte contre le terrorisme, modifiée par la loi n°015 du 25/04/2016.
Cette dernière loi modificative est venue renforcer l’arsenal répressif en introduisant des dispositions nouvelles en matière de gel des fonds liés à une activité terroriste.
Dans sa formulation, l’alinéa 7 de l’article 6 de la loi n°2010-035 fait obstacle au prosélytisme et à l’apologie de la violence en considérant comme acte terroriste: « le fait d’inciter au fanatisme ethnique, racial ou religieux, ou d’utiliser un nom, un terme, un symbole ou tout autre signe dans le but de faire l’apologie d’une organisation qualifiée terroriste suivant la législation mauritanienne, de l’un de ses dirigeants ou de ses activistes ».
- L’élaboration d’une stratégie nationale face au défi terroriste
La Mauritanie a conçu une stratégie nationale pour faire face au terrorisme qui repose sur une approche politique plaçant la sécurité au cœur du développement et, visant la consolidation de l’Etat de droit et l’adhésion consciente et active du citoyen pour l’éradication du terrorisme aux implications et ramifications multiples.
La finalité de l’adhésion du citoyen est décrite à l’alinéa 2 de l’article 1 de la loi n°2010-035 du 21/07/2010 qui se réfère aux préceptes religieux et moraux de l’islam et aux principes démocratiques pour garantir à la société le droit :
« – à vivre dans la paix, la sécurité et la quiétude, loin de tout ce qui est de nature à porter atteinte à sa stabilité ou à déstabiliser ses institutions…
« -à rejeter toute forme de dérive, violence, fanatisme, ségrégation raciale et terrorisme qui menacent la paix et la stabilité de la société » fin de citation.
Cette disposition aussi claire que limpide consacre la fermeté du droit national contre l’extrémisme violent sous toutes ses formes et manifestations.
Mais, l’ampleur du phénomène requiert un traitement approprié qui se nourrit du dialogue pour vaincre le phénomène de radicalisation dans la société.
- Le processus de dé-radicalisation fondé sur le dialogue et la modération
La dé-radicalisation est un processus dont l’efficience est tributaire de la capacité de créer des conditions propices pour un dialogue avec les personnes vivant en marge de la société, subissant le chômage et sans perspective visible.
En Mauritanie, les résultats de ce dialogue[3] ont permis la réinsertion dans la société des personnes dé-radicalisées, grâce à l’octroi de prêts commerciaux à long terme pour financier des activités économiques.
Le bilan de la lutte contre la radicalisation se présente comme suit :
- Cellules démantelées : 115 cellules dormantes
- Condamnations : 70
- Repentances : 68
Ce processus de dé-radicalisation est conforme à l’appel lancé aux Etats par l’ONU, en vertu de la résolution n°1624 du 14/09/2001, qui préconise, pour cultiver la modération, de poursuivre l’action menée par la communauté internationale pour « que les civilisations dialoguent davantage et se comprennent mieux afin d’empêcher le dénigrement inconsidéré des religions et cultures des autres » fin de citation.
Dans le cadre de ce processus de lutte contre la radicalisation, la législation nationale s’est inscrite dans l’optique d’une approche préventive qui repose, fondamentalement, sur la nécessité d’une adhésion du citoyen aux principes religieux et moraux de l’islam qui rejette « toute forme de dérive, fanatisme, prosélytisme religieux et apologie de la violence ». (v. supra. P.2).
En se dotant d’une législation antiterroriste répressive, la Mauritanie s’est, également, appropriée l’approche onusienne contre la stigmatisation de la religion, exprimée dans la résolution n°60/288 du 09/09/2006 qui prêche la modération en ces termes : « le terrorisme ne saurait, ni ne devrait être associé à une religion donnée, à une nationalité ou à une origine ethnique ». Fin citation.
- Les dimensions de l’approche
Exposée aux défis sécuritaires inhérents au contexte sous régional, fortement marqué par des menaces asymétriques de l’extrémisme violent et ses différentes manifestations, la Mauritanie a élaboré une stratégie multidimensionnelle novatrice pour faire face au phénomène du terrorisme et de la criminalité transnationale.
Cette stratégie se présente à travers les 7 dimensions, suivantes, dont chacune couvre un domaine spécifique :
- La dimension diplomatique [4]
La dimension diplomatique allie la prévention et l’action dans le cadre d’une dynamique en matière de recherche de la paix et de la sécurité.
Cette dynamique se manifeste à travers des performances diplomatiques dont notamment :
- Le processus de concertation dit « Processus de Nouakchott» ayant permis de renforcer la coopération sécuritaire entre les pays du Sahel et de créer un groupe composé de 5 pays du Sahel (appelé G5S).
- L’installation du Secrétariat permanent du G5 Sahel à Nouakchott
- La ratification des conventions contre le terrorisme et l’adoption de toutes les résolutions de l‘ONU (v. supra. p.1)
- La dimension religieuse
La dimension religieuse est fondée sur une conception de l’Islam authentique débarrassé des considérations idéologiques. Cette conception s’est traduite par les actions suivantes :
- Un dialogue entre d’éminentes personnalités religieuses et les extrémistes salafistes détenus pour avoir commis des actes de violence qualifiés de crimes.
- Une repentance issue du dialogue de 68 détenus sur 70 extrémistes.
- Un démantèlement de 115 cellules dormantes
- La mise en valeur des vertus de tolérance et de modération de l’islam
- La dimension juridique
La dimension juridique se reflète à travers :
3.1 La consolidation de l’Etat de droit
3.2 La réforme pour l’amélioration des pratiques juridictionnelles
3.3 La Conformité de la législation nationale antiterroriste au droit international (supra. P.1).
- La garantie de procès équitables pour les prévenus
- La création de pôles judiciaires pour la lutte contre le terrorisme et le blanchiment de l’argent.
- La promotion des libertés individuelles et collectives et des droits de l’homme
- La dimension sécuritaire [5]
La dimension sécuritaire de l’approche anti-terroriste est centrée sur trois (3) fonctions : la prévention, la protection et l’intervention.
Les forces nationales de défense et de sécurité qui allient l’utilisation de la force avec le renseignement ont mis en exécution une stratégie de protection du territoire national qui a permis d’aboutir aux résultats ci-dessous :
- Une sécurisation totale des frontières nationales contre les incursions de groupe terroristes dont la dernière attaque perpétrée à Nouakchott remonte à 2011.
- Une restructuration des forces armées (formation et équipements) avec la création d’unités spéciales anti-terroristes.
- Une stratégie offensive en matière de dissuasion et d’auto-défense.
- Une participation active à la lutte contre le blanchiment de l’argent, la criminalité transfrontalière et le trafic de la drogue
- La dimension éducative
Cette dimension vise à :
- Réorienter l’éducation et la pédagogie pour détourner les jeunes de la violence et de l’extrémisme
- Promouvoir la culture de la paix et de la modération dans l’éducation
- Diffuser des enseignements modérés de l’islam par le biais des médias
- Vulgariser le concept de citoyenneté à travers l’éducation
- La dimension économique
La dimension économique en matière de lutte contre le terrorisme a pour objectifs :
6.1 La lutte contre le chômage à travers des activités économiques destinées à détourner les jeunes de la violence et de l’extrémisme
- La mise en œuvre d’un plan d’action pour l’emploi des jeunes (Création d’une agence pour l’emploi).
- L’amélioration de la croissance et de l’emploi
- La mise en place de programmes pour l’éradication de la pauvreté Création d’une agence Tadamoun)
- L’égalité des chances pour éliminer l’exclusion et la marginalisation
- La décentralisation économique au profit des populations locales (projet de création des conseils régionaux)
- La dimension sociale
Cette dimension tend à :
- Valoriser la démocratie et la citoyenneté
- Cultiver le civisme et les vertus de tolérance au sein de toutes les couches sociales.
- Lutter contre la radicalisation des jeunes à travers l’appropriation par la société des menaces et risques liés à l’extrémisme
- La dimension médiatique
Le rôle des médias en matière de lutte antiterroriste est déterminant et se traduit par:
- La reconquête des réseaux sociaux avec la création de contenu web favorable à la culture de la paix.
- La retenue et le professionnalisme en matière de diffusion des informations
- La dénonciation de la désintoxication et la colportation des rumeurs
- La contribution de la presse à l’enracinement du principe de la modération et de la pondération en matière de lutte antiterroriste.
[1] La liste des conventions figure en annexe (I)
[2] . V. Lettre du Président des USA, Barack Obama en date du 30/11/2015 et discours de Ban Ki-Moon lors de sa visite de travail en Mauritanie du 3 au 5/03/2016 félicitant le Président de la République pour le leadership mondial en matière de lutte contre l’extrémisme violent.
[3] V. Rapport de la Direction de lutte contre le terrorisme à l’issue de sa visite d’évaluation à Nouakchott du 7 au 11/11/2013
[4] V. Notre conférence : le rôle de la diplomatie mauritanienne face à l’extrémisme violent. Colloque International sur la culture de la paix. Palais de congrès de Nouakchott/ 19 et 20/08/2015
[5] La Mauritanie face au défi terroriste. Ministère des Affaires Etrangères et de la coopération (MAEC@diplomatie.gov.mr avril 2012 (P.25 à 30)